Le régime juridique des contrats conclus entre personnes privées pour la réalisation de travaux publics a connu une évolution jurisprudentielle majeure avec l’arrêt Rispal. Cette décision du Tribunal des conflits marque un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure dite « Entreprise Peyrot ».
Critère matériel étendu par la jurisprudence Entreprise Peyrot
Avec l’arrêt Entreprise Peyrot de 1963, le Tribunal des conflits avait posé le principe selon lequel un contrat entre personnes privées revêt un caractère administratif dès lors que son objet est nécessaire à la réalisation d’un ouvrage public. Ce critère matériel a été étendu à de nombreux domaines, comme les contrats de fournitures de biens ou de services ayant un lien avec un ouvrage ou un service public.
Mais l’application extensive de ce critère a entraîné une complexification de la distinction entre contrats administratifs et contrats de droit privé. Le caractère administratif pouvait résulter de l’insertion d’une clause exorbitante, même entre deux personnes privées. Par exemple, un contrat entre une société de nettoyage et une entreprise ferroviaire pouvait devenir administratif du seul fait qu’il comportait une clause réservant à l’entreprise ferroviaire la possibilité de modifier unilatéralement le contrat.
Retour au critère organique avec l’arrêt Rispal
Dans sa décision du 9 mars 2015, le Tribunal des conflits opère un revirement de jurisprudence en revenant à une application stricte du critère organique. Désormais, en l’absence de conditions particulières, un contrat entre personnes privées relève du droit privé, même s’il porte sur un ouvrage public.
Toutefois, le Tribunal des conflits a modulé dans le temps les effets de ce changement de jurisprudence. Les contrats conclus antérieurement à l’arrêt Rispal, notamment pour des sculptures ou des œuvres artistiques liées à des autoroutes, restent soumis à un régime administratif. Cela a permis d’éviter un transfert massif de contentieux du juge administratif vers le juge judiciaire.
Clarification du partage administratif-judiciaire
Avec l’arrêt rispal, le Tribunal des conflits recentre le critère de distinction sur la seule présence d’une personne publique parmi les parties au contrat. Cette jurisprudence met fin aux incertitudes nées de l’application extensive du critère matériel. Elle clarifie la répartition des compétences entre juges administratif et judiciaire.
« Grâce à l’arrêt Rispal, les règles sont désormais plus claires pour distinguer un contrat de droit public d’un contrat de droit privé. Cette évolution jurisprudentielle sécurise les entreprises privées qui contractent avec des personnes publiques et les collectivités elles-mêmes », témoigne Me Dupont, avocat spécialiste du droit public des contrats.
Néanmoins, la prise en compte de l’objet du contrat peut encore intervenir dans certains cas particuliers. L’interaction entre critère organique et critère matériel demeure une question centrale du droit administratif des contrats.
Bon à savoir
La distinction entre contrats administratifs et contrats de droit privé emporte des conséquences majeures, notamment :
- La détermination de la juridiction compétente en cas de litige
- L’application de règles dérogatoires au droit commun des contrats
- Un régime spécifique pour la passation et l’exécution du contrat
Le critère du lien avec le service public ou l’ouvrage public demeure pertinent pour certains types de contrats, comme les délégations de service public ou les contrats de partenariat.
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